Document URFIG - Analyse relative à l'Agriculture - OMC - UE
Régionalisme et globalisation :
le volet agricole dans le Partenariat euro-méditerranéen
et l'OMC
& souveraineté et sécurité
alimentaires
Vincent
LEGRAND
(à paraître in "Annales
d'Etudes européennes de l'Université catholique de Louvain" –
Bruxelles,
éd. Bruylant - http://www.bruylant.be,
septembre
2002)
"La
mondialisation des économies et des échanges, au développement de laquelle
nous assistons aujourd'hui, s'accompagne d'un mouvement parallèle de régionalisation,
à savoir la constitution de blocs concurrents autour de pôles dominants de la
scène internationale : l'Europe occidentale, les Etats-Unis et le Japon. Dans
ce contexte, la question de l'intégration de l'Union européenne (élargie
prochainement aux pays d'Europe centrale et orientale – PECO), avec les pays
et territoires de sa zone frontière, située au Sud et à l'Est de la Méditerranée,
revêt une importance particulière, notamment pour l'agriculture, secteur
sensible et réfractaire à l'ouverture s'il en est."[1]
Les 27-28 novembre 1995, les Quinze et 12
partenaires du sud de la Méditerranée signaient le "Partenariat euro-méditerranéen"
dans la Déclaration de Barcelone. Ainsi était fixé un cadre de 12 accords
bilatéraux, dont 9 accords d'association euro-méditerranéens et 3 accords
d'association établissant une union douanière, en vue de la création pour
2010 d'une vaste zone de libre-échange euro-méditerranéenne.
Peu avant la naissance du Partenariat euro-méditerranéen
naissait, également en 1995, l'Organisation mondiale du Commerce (ci-après
"OMC"), qui succédait à l'Accord général sur les tarifs douaniers
et le commerce (ci-après sous son sigle anglais "GATT"), à l'issue
de son dernier "round" – l'Uruguay Round -, qui avait duré de 1986
à 1994, se clôturant avec les Accords de Marrakech, conclus en 1994.
Nous aborderons dans un premier temps la
question de la compatibilité du cadre régional formé par le Partenariat
euro-méditerranéen avec le cadre multilatéral constitué par l'OMC - ce, de
manière générale, mais aussi de manière spécifique, en rapport avec le
domaine agricole. Nous ferons ensuite un état des lieux de la libéralisation
des échanges dans ce domaine dans le cadre régional du Partenariat euro-méditerranéen,
au vu des évolutions dans le cadre multilatéral de l'OMC, notamment depuis la
4ème Conférence ministérielle de l'organisation, qui s'est tenue
à Doha (Qatar) les 9-13 novembre 2001. Nous tenterons alors d'analyser les
enjeux auxquels les pays en voie de développement (ci-après "PVD"),
dont la plupart des pays tiers méditerranéens font partie, et aborderons dans
ce cadre les questions de l'accès des productions agricoles du Nord aux marchés
du Sud, l'accès des productions agricoles du Sud aux marchés du Nord, et des
implications que cela pose en termes de modèles de production agricole, de modèles
de société et de sécurité alimentaire. Nous mettrons enfin en perspective
ces problématiques dans le cas spécifique des pays tiers méditerranéens en
voie de développement en soulevant la question de l'usage partial que fait
l'Union européenne du paradigme des avantages comparatifs dans les échanges
commerciaux qu'elle fait avec eux et poserons également la question du dépassement
de ce paradigme dans le domaine agricole.
I. — La
compatibilité du Partenariat euro-méditerranéen avec les obligations légales
du système multilatéral au vu des règles du GATT/OMC :
—
la question générale des accords régionaux
et la question spécifique de
l'exception agricole euro-méditerranéenne[2]
—
Le Partenariat euro-méditerranéen proclame la
compatibilité : son but est en effet, note-t-on par exemple dans les actes de
la 2ème Conférence euro-méditerranéenne des Ministres des
Affaires étrangères, tenue à Malte les 15-16 avril 1997, "la création
d'une zone euro-méditerranéenne de libre-échange avec l'année 2010 comme
date objectif, dans le respect des obligations découlant de l'OMC"[3].
Néanmoins, la Commission européenne est bien consciente du caractère
bancal de la situation. Ainsi, dans une de ses communications au Conseil des
Ministres de l'Union européenne, elle notait que celle-ci avait fortement intérêt
au développement de règles plus claires au sein de l'OMC, en particulier là où
les zones de libre-échange sont concernées[4].
Dans sa communication intitulée "WTO
Aspects of EU Preferential Trade Agreements with Third Countries"[5],
la Commission européenne note que ces accords servent à ouvrir le marché en
promouvant un modèle de désarmement tarifaire dans les pays partenaires, les
aidant à se préparer plus avant à une libéralisation multilatérale : cet
aspect des accords de l'Union européenne, poursuit-elle, est devenu plus
significatif ces dernières années, comme elle a conclu ou est en train de négocier
de nouveaux accords d'association avec des partenaires méditerranéens dans le
cadre de sa nouvelle politique méditerranéenne – accords qui comprennent l'établissement
de zones de libre-échange sur une base réciproque; l'Union européenne a également
encouragé les partenaires à adhérer à l'OMC dans les cas où ils ne
l'avaient pas encore fait[6].
Ce sont clairement des arguments qui pourraient être utilisés lors d'un différend
sur la compatibilité des accords d'association euro-méditerranéens avec les règles
multilatérales[7].
Du côté de l'OMC, ses membres ont réaffirmé
lors de la 1ère Conférence ministérielle de l'organisation, tenue
à Singapour en 1996, la primauté du système
commercial multilatéral, qui inclut un cadre pour le développement d'accords
commerciaux régionaux, et renouvelé leur engagement à assurer que ces accords
régionaux lui soient complémentaires et compatibles[8].
Selon les règles du GATT 1994, les accords de libre-échange doivent être
notifiés aux membres de l'OMC et examinés par un "groupe de travail"
(article XXIV:7a) – tâche qui fut confiée à partir de janvier 1996 au Comité
sur les Accords commerciaux régionaux. Tous les accords euro-méditerranéens
signés jusqu'à présent contiennent une clause proclamant leur compatibilité
avec les obligations juridiques du système multilatéral (cf., par exemple,
l'article 6 des accords avec le Maroc et la Tunisie). Mais un point d'importance
dans le dossier qui nous occupe ici porte sur l'article XXIV:8b du GATT 1994,
relatif au fait que les zones de libre-échange doivent porter sur l'essentiel
des échanges commerciaux portant sur les produits originaires des territoires
qui les constituent[9]. C'est là que la
compatibilité des accords d'association euro-méditerranéens avec les règles
multilatérales est posée, dans le dossier des échanges agricoles.
Les accords d'association euro-méditerranéens stipulent que les
produits agricoles sont exclus temporairement du bénéfice du libre-échange
intégral et soumis à une libéralisation "réciproque" et
"graduelle" au cas par cas, selon une approche à géométrie
variable, selon la situation des pays tiers méditerranéens et le degré de
"sensibilité" des produits en question[10],
par exemple, dans le cas du Maroc et de la Tunisie, jusqu'en 2000. Penchons-nous
sur les art. 16 et 18 de l'accord d'association euro-méditerranéen avec le
Maroc[11]
:
Article
16 : "La Communauté et le Maroc mettent en oeuvre de manière progressive
une plus grande libéralisation de leurs échanges réciproques de produits
agricoles et de produits de la pêche."
Article
18 : "A partir du 1er janvier 2000, la Communauté et le Maroc examineront
la situation en vue de fixer les mesures de libéralisation à appliquer par la
Communauté et le Maroc à partir du 1er janvier 2001 conformément à
l'objectif inscrit à l'article 16. Sans préjudice des dispositions prévues
au paragraphe ci-dessus et en tenant compte des courants d'échange pour les
produits agricoles entre les parties, ainsi que de la sensibilité particulière
de ces produits, la Communauté et le Maroc examineront au sein du conseil
d'association, produit par produit et sur une base réciproque, la possibilité
de s'accorder sur des concessions de manière appropriée."
Tant la thèse de la compatibilité que celle
de l'incompatibilité peuvent être avancées[12]. D'un certain point de
vue, le fait que la plupart des pays tiers méditerranéens soient des PVD, que
les accords d'association euro-méditerranéens prévoient une libéralisation
progressive de tous les secteurs économiques et incluent une clause de
conformité avec les règles du GATT/OMC, va dans le sens de la convergence
graduelle des regroupements régionaux sur la base des principes agréés dans
le cadre du système multilatéral du GATT/OMC. En revanche, une stricte interprétation
des règles du GATT/OMC au regard de l'exception agricole euro-méditerranéenne
pourrait être montrée du doigt par l'OMC[13].
Dans sa communication "European Union's
Preferential Trade Agreements with Third Countries and the WTO"[14],
la Commission note que l'Union européenne a intérêt à renforcer plus avant
la position de ses propres accords à l'OMC, au vu du degré d'incertitude indésirable
dans les règles du GATT, qui ne cadre pas avec la nature contraignante de son
organe d'appel - l'Organe de Règlement des Différends (ORD)[15].
L'Uruguay Round aurait dû mener à une libéralisation
accrue du commerce agricole euro-méditerranéen. L'Accord sur l'Agriculture émanant
des Accords de Marrakech, qui furent signés en 1994 et qui, comme on l'a vu,
instituèrent également l'OMC en 1995, fut marqué par une évolution
importante en termes de libéralisation du commerce agricole. Dans la logique du
libre-échange basé sur la compétitivité et la spécialisation
internationales, il repose sur trois piliers : l'ouverture des marchés aux
importations des produits agricoles (accès aux marchés), la réduction des
aides publiques à la production (soutien interne) et la réduction des aides
publiques à l'exportation (subventions à l'exportation).
Les parties s'engagèrent ainsi notamment à
convertir les mesures de protection non-tarifaires en mesures de protection
tarifaires (droits de douane) et à réduire dans un deuxième temps ces dernières;
à réduire les subsides à l'exportation et à réduire le volume des
exportations subsidiées. Mais la manière dont ces principes ont été traduits
dans les engagements de l'Union européenne concernant les importations
agricoles en provenance des pays tiers méditerranéens a signifié un retour au
point zéro[16].
La révision du régime était prévue pour le 1er janvier 2000 (cf.
les accords d'association euro-méditerranéens avec le Maroc et la Tunisie), en
fonction des résultats d'un nouveau cycle de négociations multilatérales qui
devait commencer en 1999, mais qui en fait se solda par un échec à Seattle. La
3ème Conférence ministérielle de l'OMC, tenue à Seattle en 1999,
montra les limites des négociations multilatérales en matière de libéralisation
des commerces agricole et agroalimentaire[17].
On supputait qu'après 2000, avec l'ouverture d'un nouveau round à l'OMC, la
question de l'accès des produits agricoles des pays tiers méditerranéens au
marché européen devait être résolue en leur faveur, "bien que cela ne
soit pas sûr", notaient Tovias & Bacaria[18]
à l'été 1999.
Dans sa communication du 6 septembre 2000 au
Conseil et au Parlement européen en vue de préparer la 4ème Réunion
des Ministres euro-méditerranéens des Affaires étrangères, intitulée
"Un nouvel élan pour le processus de Barcelone" ("Reinvigorating
the Barcelona Process")[19], la Commission européenne
note :
"Les partenaires méditerranéens insistent régulièrement sur la nécessité d'une plus grande ouverture des marchés à leurs produits agricoles. Leur demande est fondée à la fois sur l'importance socio-économique de l'agriculture dans ces pays et sur le fait qu'ils estiment disposer d'un avantage relatif pour certains produits agricoles. Les accords d'association déjà conclus prévoient la révision des dispositions sur le commerce des produits agricoles qui s'appliquent à ces pays. Étant donné que les accords d'association sont des accords de libre échange comprenant des dispositions qui visent à renforcer la libéralisation progressive et réciproque des échanges dans l'agriculture, et que toutes les parties sont liées par les règles de l'OMC, il convient d'examiner en détail les obstacles à surmonter pour garantir que les accords de libre échange soient entièrement compatibles avec le GATT à la fin de la période de transition. Cette étude devrait être menée dans le cadre des politiques générales de soutien en faveur de l'agriculture poursuivies par les partenaires et tenir compte de leurs répercussions sur l'eau, l'environnement et les aspects sociaux.
Pour
chaque pays ayant signé un accord d'association, la Commission examinera en détail
de nouvelles mesures à prendre afin d'atteindre, d'ici la fin de la période de
transition,, un accord de libre échange compatible avec le GATT et couvrant
l'ensemble des secteurs, notamment une plus grande libéralisation réciproque
du commerce dans l'agriculture. Cette
étude sera achevée avant la fin 2000, en fonction des travaux déjà en cours,
et servira de base à la Commission, si nécessaire, pour formuler d'autres
propositions relatives à la libéralisation des échanges conformément à la déclaration
de Barcelone. Il est nécessaire de
rechercher la plus grande cohérence possible dans le domaine des autres préférences
éventuellement accordées aux partenaires."
La 4ème Conférence euro-méditerranéenne
des Ministres des Affaires étrangères, qui s'est tenue à Marseille les 15-16
novembre 2000, a retenu en la matière "la nécessité de prendre de
nouvelles mesures en vue d'une libéralisation accrue des échanges agricoles,
et sous réserve de progressivité et de réciprocité, dans le respect des
principes énoncés dans la déclaration de Barcelone et des règles de
l'OMC"[20].
Les Ministres euro-méditerranéens en charge du Commerce, qui se réunirent le
29 mai 2001, avec la perspective de la 4ème Conférence ministérielle
de l'OMC à Doha (Qatar) en ligne de mire pour la fin de l'année en cours, réaffirmèrent
la position de Marseille, se mettant d'accord "sur la nécessité d'arriver
à une libéralisation progressive et réciproque du commerce des produits
agricoles en totale conformité avec les règles de l'OMC"[21].
Nous viendrons plus loin sur la dernière conférence euro-méditerranéenne des
Ministres des Affaires étrangères – la 5ème -, qui s'est tenue
à Valence (Espagne) les 22-23 avril 2002, mais penchons-nous d'abord sur les
dernières évolutions qui l'ont précédée dans le cadre multilatéral de
l'OMC, depuis la 4ème Conférence ministérielle de l'organisation,
tenue à Doha (Qatar) les 9-13 novembre 2001.
III. — les dernieres evolutions du dossier de la liberalisation des echanges agricoles suite a la 4ème Conference Ministerielle de l'OMC
(Doha,
9-13 novembre 2001)
Les négociations, poursuivies en la matière
depuis 2000 selon l'article 20 de l'Accord sur l'Agriculture et faisant partie
de l'"agenda incorporé" découlant des Accords de Marrakech, ont été
confirmées et confortées par le mandat défini lors de la Conférence de Doha[22].
Dans la logique de l'Accord sur l'Agriculture
reposant sur les trois piliers susmentionnés, la Conférence de Doha définit
le mandat suivant :
"Faisant fond sur les
travaux accomplis à ce jour et sans préjuger du résultat des négociations,
nous nous engageons à mener des négociations globales visant à: des améliorations
substantielles de l'accès aux marchés; des réductions de toutes les formes de
subventions à l'exportation, en vue de leur retrait progressif; et des réductions
substantielles du soutien interne ayant des effets de distorsion des échanges."[23]
Comme l'avance Bhaghirat Lal Das et vu
sous un certain angle (l'auteur en expose lui-même un autre, que nous
aborderons plus loin), les PVD pouvaient se réjouir de ces dispositions, qui
semblent toucher au premier chef les pays développés[24]
: en effet, alors que la plupart de ceux-ci ont massivement procuré des
soutiens internes et des subventions à l'exportation à leur agriculture, dans
les PVD, les niveaux de subventions aux exportations sont négligeables et ceux
relatifs aux soutiens internes sont extrêmement restreints. De là, ces aspects
dans les objectifs des négociations peuvent être considérés comme
principalement ciblés sur les politiques et dispositions des principaux pays développés.
Outre qu'elles ont généralement distordu le commerce et la production dans ce
secteur, les pratiques de ces derniers ont tout particulièrement nui aux PVD,
et ce, de deux manières. Les agriculteurs des PVD sont exposés à la compétition
extrêmement inéquitable des produits importés subventionnés des pays développés
et courent le risque d'être évincés de leur secteur. En outre, ils font face
à une compétition inéquitable dans les marchés de ces pays développés, où
leurs perspectives d'exportations sont injustement compromises face aux produits
que ceux-ci subventionnent abondamment.
Dans
cette ligne, il arrive que l'on observe des acteurs prendre certaines positions
tendant à considérer l'OMC comme une alliée face au protectionnisme dont ils
souffrent. Ainsi, le Directeur général de l'Etablissement autonome de contrôle
et de coordination des exportations du Maroc, Albert Sasson, notant les
conditions excessivement inégales des rapports de force entre le Maroc et
l'Union européenne (UE), prône-t-il le déplacement de la négociation bilatérale
Maroc-UE dans le cadre multilatéral de l'OMC : "La participation active du
Maroc aux négociations multilatérales de l'OMC en ce qui concerne le démantèlement
rapide des produits agricoles sera la condition sine qua non compte tenu du
pouvoir de négociation plus équilibré qui sera instauré entre les USA et le
groupe de Cairns d'une part et l'Union européenne et certains pays en développement
d'autre part"[25].
Dans la même ligne, certains sont d'avis que, si l'on retire l'agriculture de
l'OMC, on l'abandonne aux accords commerciaux régionaux et bilatéraux, qui,
pour les pays faibles et les petits paysans, sont souvent plus désavantageux
que l'OMC, où, au moins, la possibilité existe de dégager un peu de force en
s'alliant avec d'autres parties souffrant des mêmes problèmes[26].
A. — Doha
et les PVD : non-réévaluation des accords existants et mise à l'écart de la
proposition de "Development Box"
Comme nous le verrons plus loin de manière
plus détaillée, la Déclaration de Doha reconnaît la nécessité pour les PVD
d'un "traitement spécial et différencié", axé sur les impératifs
de sécurité alimentaire et de développement rural. Ceci étant, voyons tout
d'abord ce qu'elle n'a pas prévu pour eux, contrairement à leurs attentes.
Globalement, la Déclaration de Doha s'est limitée à confirmer les
orientations des Accords de Marrakech et n'a remis en cause aucun des accords
concernés et c'était là pourtant une de leurs attentes fondamentales[27].
Les PVD avaient en effet demandé une révision ou, à tout le moins, une évaluation
des accords existants – les matières relatives à "l'agenda incorporé"
–, avant d'ouvrir les matières non encore concernées par la libéralisation
des échanges[28].
Concernant plus particulièrement le volet
agricole, certains PVD[29]
– et, en particulier, le groupe dénommé "Friends of the Development
Box"[30] – avaient demandé un
traitement tarifaire préférentiel et des mesures spécifiques pour la petite
agriculture sous la forme d'un chapitre spécial dans l'Accord sur
l'Agriculture, sous l'appellation de "Development Box"[31],
comme élément essentiel de l’accord afin de permettre l’adoption de
mesures spécifiques en faveur de l’agriculture paysanne, de la sécurité
alimentaire et du développement rural[32].
Des trois piliers de l'Accord sur
l'Agriculture, ceux relatifs au soutien interne et aux subventions à
l'exportation sont considérés comme relativement moins importants[33], contrairement à celui
concernant l'accès aux marchés, qui est considéré comme essentiel (l'on
notera néanmoins avec Jacques Berthelot qu'il ne faut pas sous-estimer
l'importance des soutiens internes et leurs "mises en boîte", qui ont
un effet implicite de protection contre les importations et de subvention des
exportations)[34]:
il s'agit des questions afférentes à l'accès des productions agricoles du
Nord aux marchés du Sud et à l'accès de celles du Sud aux marchés du Nord.
L'accès des productions agricoles du Nord aux marchés du Sud
Comme mentionné dans le communiqué de presse
émis par les "Friends of the Development Box" à Doha, l'OMC
"est censée assurer l'équité dans le commerce, mais le système
commercial agricole actuel légitime dans les faits les inégalités, par
exemple, en permettant le dumping des produits agricoles du Nord. Les soutiens
internes dans l'OCDE ont augmenté de 50% depuis l'époque de l'Uruguay Round,
jusqu'à plus de 370 milliards $ aujourd'hui – un chiffre d'un milliard $ par
jour, ce qui équivaut en gros au revenu quotidien du milliard de personnes les
plus pauvres dans le monde. Les subventions sont à hauteur de 45% de la valeur
totale de la production. Les petits agriculteurs des PVD ne peuvent tout
simplement pas soutenir la concurrence dans cet environnement inéquitable."[35]
Selon la "Development Box", dans la
logique des "traitements spéciaux et différenciés" , les PVD
devraient être autorisés à réduire l'accès à leurs marchés : l'idée est
de protéger les petits producteurs contre les importations compétitives en
provenance des pays du Nord et, de manière plus générale, des firmes
transnationales agroalimentaires, qu'elles soient basées au Nord comme au Sud[36]
- importations compétitives souvent dumpées[37],
qui font chuter les prix locaux et rendent les productions locales non viables.
Cela, dans une optique de protection des produits agricoles locaux de première
nécessité, liés à la sécurité alimentaire, et de ceux qui constituent les
sources principales de revenus pour les paysans à bas revenus ou pauvres en
ressources[38].
Il faut rappeler que les
petits paysans forment une grande partie de la population des PVD. L'agriculture
demeure le principal pourvoyeur d'emplois dans les pays à bas revenus, pouvant
constituer jusqu'à 70% de la main-d'œuvre. Dans les pays à revenus moyens,
elle y constitue 30% de celle-ci, contre 4% dans les pays à hauts revenus[39].
Ainsi, par exemple, comparé à l'Union européenne, où l'on compte environ
15 millions de personnes, soit 4% de la population, vivant dans des
exploitations agricoles, au Maroc, 48% de la population, soit environ 13,5
millions de personnes, sont des ruraux et l'agriculture y emploie 43% de la
population active[40].
Au-delà des agriculteurs, c'est toute la
communauté rurale de chaque PVD qui est concernée[41].
L'idée est de protéger les moyens de subsistance des petits paysans et leur
activité, afin qu'ils restent sur leurs terres et y vivent de leur agriculture,
en l'absence d'alternatives : ceci, en lien avec l'enrayement de l'exode rural
vers les centres urbains où les vies sont précarisées par le chômage et
l'anomie sociale.
Pour prendre le cas de l'Egypte, l'essentiel de
la population active du secteur agricole "est représentée par de petites
familles d'exploitants. De ce fait, tout déclin de la production agricole découlant
de la libéralisation des échanges agricoles peut avoir une forte incidence sur
les revenus des familles."[42]
L'Egypte importe de grosses quantités de denrées vivrières, plus de 3
milliards $ ces dernières années. Cette forte dépendance vis-à-vis des
importations, notamment pour les denrées de base, est un sujet de préoccupation.
"Les autorités souhaitent accroître le niveau d'autosuffisance
alimentaire, en partie du fait des risques inhérents à une situation dans
laquelle les recettes d'exportation dépendent d'une source principale (produits
dérivés du pétrole), qui finance les importations alimentaires."[43]
"L'orientation du pays vers une économie de marché et la libéralisation
des échanges ont eu des effets sur les assolements. Pour répondre aux
variations de la rentabilité des cultures, les fruits et légumes se développent
au détriment du coton, du blé et du riz. Bien que ces choix soient motivés du
point de vue économique, nombreux sont ceux en Egypte, qui estiment qu'il
s'agit là d'un effet négatif du processus de réforme. En effet, le coton et
le blé sont considérés comme des cultures d'importance stratégique ayant des
liens en amont et en aval avec le reste de l'économie et qui contribuent de ce
fait à la lutte contre la pauvreté et à la sécurité alimentaire des ménages."[44]
D'aucuns sont d'avis qu'il
est impératif pour les PVD de se protéger contre l'importation pour assurer
leur sécurité alimentaire, et ce, pour de nombreuses raisons : potentielle
incapacité à se procurer les devises pour importer leur alimentation, impératifs
d'indépendance politique contre, notamment, les risques d'embargo, absence de
compétitivité, inexistence d'emplois alternatifs, protection de valeurs
culturelles fondamentales[45].
Par ailleurs, d'un point de
vue plus global du développement général, l'histoire "montre que la
protection de l'agriculture à l'importation a
été une condition essentielle du développement de tous les pays aujourd'hui
industrialisés, y compris ceux du Sud."[46]
Elle montre "que tous les pays qui se sont spécialisés en fonction
de leurs avantages comparatifs initiaux dans les productions de matières premières,
notamment agricoles, sont restés sous-développés alors que les pays
occidentaux et les pays du Sud aujourd'hui industrialisés (Taïwan, Corée du
Sud, Inde, Brésil, Chine …) ont bâti de toutes pièces leurs avantages
comparatifs actuels dans les secteurs secondaire et tertiaire, le Japon et les
Etats-Unis en tête, à l'abri d'une très forte protection de leur agriculture,
notamment à l'importation."[47]
"La protection de l'agriculture à
l'importation est particulièrement cruciale aux premières phases de développement,
tant que les paysans représentent la majorité de la population puisque des
revenus agricoles élevés conditionnent les investissements permettant d'accroître
les rendements et ainsi de libérer des ressources pour l'industrie et les
services. Simultanément le démarrage de ces secteurs dépend de l'importance
de la demande des agriculteurs."[48]
L'accès des productions agricoles du Sud aux marchés du Nord
Inversement, dans la logique libre-échangiste
cette fois, l'idée est que les pays du Nord accroissent l'accès à leurs marchés
des productions agricoles des pays du Sud, là où ceux-ci disposent d'avantages
comparatifs.
Il faut rappeler que le dossier le plus
important ayant retardé la signature des premiers accords d'association euro-méditerranéens
(Tunisie, Maroc, Israël) portait sur la négociation relative à une plus
grande libéralisation du commerce des produits agricoles[49].
Des concessions très limitées ont été arrachées avec grande difficulté par
le Maroc et la Tunisie[50].
L'ouverture est insuffisante eu égard aux potentialités des exportations
agricoles marocaines[51].
En fait, comme le note Refik Erzan, dans leurs accords, le Maroc et la Tunisie bénéficiaient
déjà d'exemption de droits de douane pour la plupart des biens, à l'exception
du textile : "ce dont ils avaient réellement besoin, c'était d'une libéralisation
de l'agriculture et c'est ce qu'ils n'ont pas obtenu"[52].
Pour l'Egypte également, la pierre
d'achoppement majeure dans les négociations relatives à l'accord d'association
euro-méditerranéen a été la question des exportations agricoles vers l'Union
européenne. Face à la détermination de cette dernière d'exclure les produits
agricoles du régime de libre-échange, l'Egypte a avancé que chaque partie
avait le droit de bénéficier des secteurs dans lesquels elle jouissait d'un
avantage comparatif[53].
De manière générale, l'exclusion du commerce
agricole dans les accords d'association euro-méditerranéens mécontente les
pays tiers méditerranéens, qui disposent en effet d'avantages comparatifs
importants dans ce domaine[54].
C'est par ailleurs dans cette
optique de l'accès des productions du Sud aux marchés du Nord qu'Oxfam a rédigé,
non sans subir la critique (cf. infra), son rapport intitulé "Deux poids,
deux mesures : Commerce, globalisation et lutte contre la pauvreté", qui
sert de base à sa campagne "Pour un commerce équitable", pour les
trois années qui viennent, coïncidant avec la période de négociations à
venir à l'OMC[55].
Oxfam dénonce le double langage des pays développés, entre leur rhétorique
libre-échangiste et leurs pratiques protectionnistes, met le doigt sur le
dumping des produits du Nord sur les marchés du Sud et la fermeture de leurs
propres marchés aux productions du Sud et demande l'accès intégral des
produits des pays à faibles revenus aux marchés des pays riches.
C'est ici qu'Oxfam a fait
face à la critique de la centralité qu'elle accorde à l'accès des
productions du Sud aux marchés du Nord et du rôle que peuvent dans ce cadre
jouer les productions orientées vers l'exportation, car cette orientation
impliquerait du même coup la promotion du modèle de production agricole orienté
vers les exportations[56].
Or, ceci non plus n'est pas sans poser problème …
Un débat
de fond : deux modèles de production agricole, des enjeux de modèles de société
et de sécurité alimentaire
Le débat de fond repose en fait sur deux modèles
de production agricole[57].
L'un est le modèle de subsistance : le modèle de l'exploitation familiale à
petite échelle, couvrant les besoins alimentaires de la famille. Les intrants
sont disponibles et accessibles localement. Les excédents de production sont
vendus sur le marché local et les revenus ainsi générés servent à couvrir
les autres besoins de la famille. Cela a été traditionnellement le modèle de
production agricole dans les PVD.
Mais les petits agriculteurs des PVD, sous la
pression des Programmes d'Ajustement structurel requis par la Banque mondiale et
le Fonds monétaire international (FMI) et sous celle de l'Accord sur
l'Agriculture de l'OMC, sont de plus en plus poussés à passer de ce modèle de
subsistance au modèle industriel orienté vers les exportations[58].
Ce modèle est caractérisé par l'utilisation de semences à hauts rendements
et par la mono-culture, qui nécessite des intrants chimiques à haute intensité.
Les agriculteurs vendent leur production après la récolte et utilisent les
revenus générés pour satisfaire leurs besoins. L'argument théorique est que
la spécialisation va générer des gains pour tous. Les pays gagneront de leurs
exportations et payeront moins cher leurs importations. Mais la réalité est
moins tranchée. Les bénéfices théoriques du modèle industriel ne se sont
pas matérialisés au profit de tous et il a eu des conséquences négatives sur
la viabilité des petites exploitations, les revenus des petits agriculteurs et
la sécurité alimentaire des pauvres en milieu rural dans les PVD
En effet, tout d'abord, maints paysans trouvent
difficile voire impossible de se convertir à la production orientée vers
l'exportation car ils ne peuvent atteindre les standards de production leur
permettant d'être compétitifs sur le marché mondial[59]. Les coûts des intrants
sont élevés, menant les paysans à s'endetter et à être évincés du
secteur, contrairement aux gros producteurs, aux reins plus solides[60].
Dans un sens opposé, certains soulignent
l'importance des exportations agricoles pour le développement rural, par
exemple, dans le cas du Maroc : la faiblesse de la demande intérieure constitue
un frein à la croissance rurale et l'augmentation des exportations pourraient
pallier cette faiblesse[61].
"Les marchés d'exportations agricoles sont non seulement un débouché
pour notre production et des ressources de revenus pour les agriculteurs
exportateurs, mais surtout, une source d'emploi des ruraux et donc de réduction
du chômage dans ce milieu. Du fait de l'utilisation intensive de la main-d'œuvre
pour la production et la commercialisation de ces produits d'exportation, le développement
des cultures d'exportations est non seulement important pour l'agriculture mais
aussi pour le développement rural."[62]
De manière générale, s'il est vrai que le
passage à l'agriculture industrielle orientée vers l'exportation a augmenté
les quantités de nourriture disponible per
capita, il n'a néanmoins pas diminué les problèmes de famine à cause de
l'incapacité du marché à assurer l'accès à la nourriture et à cause des inégalités
entre petits et grands exploitants[63].
Comme le note l'Organisation des Nations unies pour
l'Agriculture et l'Alimentation (sous son sigle anglais "FAO"), si la
libéralisation du secteur agricole a contribué "à accroître la
productivité et la compétitivité", elle a aussi contribué "à déplacer
et à marginaliser la main-d'œuvre agricole, mettant en difficulté surtout les
petits agriculteurs et les groupes de population n'ayant aucune sécurité
alimentaire, et cela dans un cadre où il n'existe guère de filets de sécurité"[64]. Dans cette ligne,
Jacques Berthelot est d'avis que des exportations accrues de produits agricoles
du Sud, effet de la libéralisation accrue des échanges, entraîneraient la
marginalisation de leurs petits agriculteurs[65].
Selon le modèle de subsistance, l'idée est
donc d'augmenter la production locale à des fins de consommation locale, car,
pour les petits paysans des PVD, la sécurité alimentaire est davantage liée
à leurs productions pour consommation intérieure qu'à celles destinées à
l'exportation[66].
L'agriculture traditionnelle à petite échelle produit des revenus décents aux
petits paysans et accroît leur sécurité alimentaire, d'autant que rien n'empêche
d'augmenter les gains de productivité et la production, notamment des biens de
base, dans le cadre de cette agriculture[67].
Nous
reviendrons plus loin sur le cas spécifique des pays tiers méditerranéens
dans cette problématique dans les échanges euro-méditerranéens.
B. — Doha
et les PVD : proclamation d'un traitement spécial et différencié dans le
cadre des besoins en matière de sécurité alimentaire et de développement
rural
Passons à présent à ce que la Déclaration
de Doha, contrairement à la demande au sens strict d'une "Development
Box", a bien prévu pour les PVD. Pour revenir au mandat défini par la Déclaration
finale de la Conférence ministérielle de Doha, qui a été baptisée
"Agenda pour le Développement", si la "Development Box",
sous cette appellation en tant que telle, a été écartée, il est néanmoins déclaré
:
"Nous
convenons que le traitement spécial et différencié pour les pays en développement
fera partie intégrante de tous les éléments des négociations et sera
incorporé dans les Listes de concessions et d'engagements et selon qu'il sera
approprié dans les règles et disciplines à négocier, de manière à être
effectif d'un point de vue opérationnel et à permettre aux pays en développement
de tenir effectivement compte de leurs besoins de développement, y compris en
matière de sécurité alimentaire et de développement rural. Nous prenons note
des considérations autres que d'ordre commercial reflétées dans les
propositions de négociation présentées par les Membres et confirmons que les
considérations autres que d'ordre commercial seront prises en compte dans les négociations
comme il est prévu dans l'Accord sur l'agriculture."[68]
Eu égard à ces dispositions, tout en rappelant la confirmation du cadre général fondé sur les trois piliers de l'Accord sur l'Agriculture (accès aux marchés, subventions à l'exportation, soutien interne) (cf. point III.A.) :
C. — Que faut-il attendre de Doha pour les PVD en matière agricole ?
Un aspect négatif serait le possible
contournement des contraintes posées au niveau des trois piliers par le recours
aux "mises en boîtes" des soutiens internes, notamment, à la
"green box", qui est exemptée des obligations de réduction et n'est
pas couverte par les négociations sur celles-ci[69].
Comme nous l'avons mentionné plus haut, Jacques Berthelot est d'avis qu'il ne
faut pas sous-estimer les soutiens internes, qui ont des effets implicites de
protection contre l'importation et de subvention des exportations. Or les
soutiens internes font l'objet de véritables camouflages[70].
Comme l'écrit Bhaghirat Lal Das, de manière analogue à ce que les
"Friends of the Development Box" dénonçaient dans leur communiqué
de presse émis à Doha (cf. supra), "ce sont essentiellement les
subventions qui ont donné un avantage élevé et inéquitable aux agriculteurs
dans les principaux pays développés. Des estimations récentes indiquent que
le total du soutien interne, dont les catégories exemptées constituent une
importante proportion, se monte à presque 360 millions $ par an dans les pays développés.
Un soutien interne aussi élevé a le potentiel de causer des dommages
importants aux perspectives de production intérieure et d'exportation des PVD
dans le domaine de l'agriculture. (…) il n'y a aucune raison pour laquelle ces
mesures de soutien seraient exemptées de réduction. Parfois, on argue du fait
que ces paiements ne sont pas basés sur ou liés à la production ou aux prix;
en tant que tels, ils ne devraient pas être couverts par la discipline de réduction
(§6 de l'Annexe 2 de l'Accord sur l'Agriculture). Mais un tel raisonnement est
faux. Après tout, ces paiements ne sont pas opérés à des gens en général
sur la base de critères économiques ou sociaux, mais seulement aux
agriculteurs, d'année en année, accroissant leur puissance économique et les
aidant à poursuivre leur agriculture non compétitive. Manifestement, de tels
paiements distordent le commerce et contribuent à soutenir la production non
compétitive."[71]
Un autre aspect négatif – et c'est ici que
vient le point de vue développé, toujours par Bhaghirat Lal Das en
contre-pieds de celui qu'il a lui-même exposé d'autre part et que nous avons déjà
mentionné plus haut - est le suivant. "Il est bien reconnu à présent que
les politiques et dispositions des pays développés, en particulier les plus
importants parmi eux, sont spécifiquement responsables de la distorsion dans le
commerce et la production agricoles. Cependant, le paragraphe 13 de la Déclaration
ne fait pas spécialement référence aux politiques et pratiques des pays développés,
mais énonce plutôt de manière géographiquement neutre les objectifs de réduction
des protections et des subventions. En fait, une telle déclaration généralisante
pourrait constituer le danger d'impliquer une parité dans l'objectif de réduction
des protections et des subventions dans les pays développés et dans les PVD.
Une telle négligence sur le principal centre d'attention, c'est-à-dire les
politiques et dispositions des principaux pays développés, est révélatrice
de la faiblesse de la volonté politique des membres de l'OMC de traiter le
problème de base dans le secteur agricole."[72]
Des éléments qui tendraient à démontrer les
réticences de l'Union européenne en la matière sont présents. Le projet de déclaration
mentionnait la volonté de s'engager à "mener des négociations globales
visant à réduire les subventions à l'exportation en vue de leur retrait
progressif". L'UE, dont les aides sont d'une autre nature que celles des
Etats-Unis[73],
a fait introduire dans le texte une précision indiquant qu'il s'agit de réduire
"toutes les formes" de subventions[74].
Mais l'Union a aussi obtenu que la mention "en vue de leur retrait
progressif" soit sans effets par l'introduction de l'indication :
"sans préjuger du résultat des négociations"[75]
(cf. supra, le §13 de la Déclaration de Doha).
Certains ont une vision plus
optimiste quant à cette indication. "Bien que cela n'engage pas l'UE à
supprimer graduellement les subventions complètement, comme cela est demandé
par beaucoup d'autres pays, cela va accroître la pression quant à leur réduction."[76]
Par ailleurs, "de manière assez encourageante" – mais l'on s'en détrompera,
comme nous le verrons plus bas -, "les Etats-Unis sont inflexibles quant à
l'expression "toutes les formes de subventions à l'exportation; et réductions
commerciales substantielles dans le soutien interne distordant le
commerce", ce qui s'applique à deux des instruments américains favoris,
les crédits à l'exportation et l'aide alimentaire. Ceci pourrait réduire plus
avant le niveau de dumping sur les marchés du Tiers-Monde."[77]
A propos des Etats-Unis précisément, il faut
noter la nouvelle loi agricole ("Farm
Security and Rural Investment Act") qui a été adoptée à la
mi-mai 2002, six mois à peine après la Conférence de Doha. Elle augmente les
subsides à l'agriculture américaine, portés à un montant, selon les différentes
sources, de quelque 170 à 190 milliards $ sur les dix années à venir[78],
soit une augmentation de presque 80%[79].
Comme cela a été relevé, "il est hypocrite de la part des puissances économiques
mondiales d'essayer d'imposer aux pays faibles une doctrine libre-échangiste
qu'ils sont eux-mêmes incapables de pratiquer"[80].
Mais comme cela a été souligné par ailleurs,
"de toute façon, ces cinq dernières années, les Etats-Unis ont dépensé
des sommes gigantesques dans les subventions à l'agriculture"[81].
"Eu égard à la réaction d'offuscation à travers le monde, un
observateur extérieur pourrait supposer que la Loi sur l'Agriculture signifie
un écart important par rapport à la politique agricole américaine antérieure.
Mais ce n'est pas le cas. Cela rend la politique américaine tout simplement un
peu plus transparente."[82]
"De la sorte, le mouvement américain pourrait avoir un effet positif en
mettant en évidence que Washington n'a pas l'intention d'abandonner les
subventions et donc raviver le débat mondial sur le soutien à l'agriculture,
le libre-échange et la globalisation."[83].
La nouvelle loi américaine a essayé de
montrer qu'elle était techniquement dans les limites de l'Accord sur
l'Agriculture de l'OMC[84].
Les Etats-Unis seront néanmoins peut-être défiés à l'Organe de Règlements
des Différends (ORD) de l'organisation par d'autres Etats. Toujours est-il
qu'un certain nombre de gouvernements se sont plaints de la contradiction entre
la rhétorique libre-échangiste de Washington et sa politique[85].
Le Prix Nobel d'Economie américain Joseph Stiglitz a décrit la nouvelle loi
comme "la parfaite illustration de l'hypocrisie de l'Administration Bush
sur la libéralisation commerciale"[86].
Il s'agit d'un coup porté à la crédibilité
des Etats-Unis dans le cadre des négociations à venir selon l'agenda défini
à Doha. Le Commissaire européen à l'Agriculture Franz Fischler de noter en
effet que la loi en question "porte un coup à la crédibilité de la
politique des Etats-Unis à l'OMC, où ils ont présenté un agenda orienté sur
le commerce totalement incohérent avec la nouvelle loi"[87].
Mais revenons précisément à l'Union européenne
et au Partenariat euro-méditerranéen.
A. — La
partialité de l'usage du paradigme des avantages comparatifs
Depuis Doha, la 5ème Conférence
euro-méditerranéenne des Ministres des Affaires étrangères s'est tenue, à
Valence (Espagne), les 22-23 avril 2002. Dans sa communication au Conseil et au
Parlement européen en vue de préparer cette conférence, la Commission européenne,
dans sa neuvième recommandation, incitait les ministres qui allaient se réunir
à l'inviter "à examiner les perspectives d'extension de la libéralisation
réciproque des échanges de produits agricoles, conformément aux dispositions
des accords d'association et avec une nouvelle impulsion reflétant l'importance
des progrès accomplis dans le contexte multilatéral"[88].
La Commission se référait à la Conférence de Doha, qui venait d'avoir lieu
quelques mois plus tôt. De la 5ème Conférence euro-méditerranéenne
est sorti un plan d'action, censé
donner un nouveau souffle au "processus de Barcelone", baptisé "Plan d'Action de Valence", dans lequel il est décidé
d'examiner les perspectives d'une plus grande libéralisation réciproque du
commerce des produits agricoles (notamment l'amélioration de l'accès aux marchés),
en conformité avec les dispositions des accords d'association euro-méditerranéens
et les progrès engrangés dans le cadre multilatéral. La Commission européenne
est chargée de faire une étude sur l'impact de la libéralisation en question
sur l'Union européenne et les pays tiers méditerranéens.
En évoquant les zones d'ombre du partenariat
et du libre-échange en Méditerranée et en abordant la question de la dissymétrie
dans l'exigence d'ouverture commerciale, Bichara Khader note que "les pays
méditerranéens sont sommés d'ouvrir et de libéraliser leurs économies
tandis que l'Union européenne n'est pas prête, dans un secteur aussi crucial
que l'agriculture, à concéder une ouverture équivalente"[89].
En fait, comme l'a dénoncé l'"Autre Sommet" méditerranéen, tenu à
Marseille le 9 novembre 2000, en marge de la 4ème Conférence ministérielle
euro-méditerranéenne, les rares secteurs où les pays tiers méditerranéens
sont compétitifs restent exclus des accords[90].
En fait, l'Union européenne n'est pas encore prête à jouer le jeu du libre-échange
intégral en Méditerranée et son approche contredit son désir de substituer
la logique de l'avantage comparatif et du partenariat à celle de l'aide et sa
position reflète son statut de partenaire le plus fort, capable d'imposer sa
vision du libre-échange à elle[91].
Néanmoins, dans une perspective d'ordre stratégique
plus globale, il a été supputé qu'un lâcher-prise sur l'agriculture pourrait
être envisagé afin de gagner du terrain dans la libéralisation d'autres
secteurs. En effet, une partie de la stratégie que le Secrétaire général de
l'OMC M. Moore et son secrétariat "sont en train de développer semble
consister à soutenir des campagnes d'accès aux marchés lancées par Oxfam
[cf. supra] et des organisations comme le Groupe de Cairns afin de pousser les
grandes puissances commerciales à accélérer le démantèlement des quotas –
et leur remplacement par d'autres formes de protection, comme l'anti-dumping -,
de telle sorte qu'ils puissent accroître leur prise sur les PVD pour qu'ils
acceptent plus de libéralisation dans des domaines jugés plus cruciaux pour
l'OMC et les grandes puissances commerciales, tels que les tarifs industriels,
les services, les aspects commerciaux relatifs aux investissements, la politique
de la concurrence, les marchés publics et la facilitation du commerce. En
d'autres termes, le secrétariat de l'OMC espère convaincre les grandes
puissances commerciales qu'en accélérant l'accès aux marchés dans des
domaines où ils ont donné leur accord il y a quelques années, ils seront
capables de dégager des concessions dans les négociations présentes et à
venir dans ces domaines de plus grand intérêt stratégique pour leurs firmes,
comme les investissements et les marchés publics"[92].
Ainsi donc, les pays développés pourraient lâcher du lest avec la
"Development Box" et se garantir ainsi une bonne image publique afin
de légitimer la libéralisation plus avant, de manière plus agressive,
d'autres domaines[93]. Pour ce qui est de
l'Union européenne en particulier, des documents faisant l'objet de fuites dans
les médias ont suggéré qu'il se pouvait qu'elle considère l'élimination des
subventions et des barrières au commerce dans l'agriculture en échange d'une
libéralisation significative du commerce mondial des services[94].
Certains pensent néanmoins
qu'il ne faut pas se bercer d'illusions quant au dossier agricole et que c'est
en soulignant cette réalité selon laquelle les Etats-Unis et l'Union européenne
n'abandonneront jamais leurs subventionnements massifs, notamment dans
l'agriculture, qu'il faudrait consolider la résistance des PVD contre une libéralisation
généralisée plus poussée [95].
Quoi qu'il en soit des perspectives en matière
de libéralisation des échanges agricoles théoriquement au profit du Sud, ceci
ne doit pas nous amener précisément à penser que le libre-échange fondé sur
la spécialisation sur la base des avantages comparatifs est la panacée. Nous
voulons dire que, d'une part, de toute façon, dans ce cadre-là et pour revenir
tout particulièrement à l'Union européenne et au Partenariat euro-méditerranéen,
la tendance lourde est à des bénéfices du libre-échange à sens unique : au
profit de la rive nord de la Méditerranée, qui ne joue pas le jeu de la
logique qu'il prône de manière générale. Mais au-delà de cela, dans quelle
mesure ce paradigme est-il pertinent, quand bien même un rééquilibrage se
ferait en faveur du Sud ?
B. — Au-delà
du paradigme des avantages comparatifs : son bien-fondé au vu du paradigme de
l'indépendance alimentaire – éclairage sur les échanges agricoles euro-méditerranéens
Tout d'abord, le paradigme des avantages
comparatifs[96]
est bâti sur l'hypothèse de la libre concurrence. Les économistes néo-classiques
reconnaissent qu'une atteinte à celle-ci mine le bien-être dans les agrégats
totaux de la richesse générée, mais, comme le note le rapport de l'Institute
for Agriculture and Trade Policy (IATP) intitulé "Managing the Invisible
Hand: Markets, Farmers and International Trade"[97],
"les règles de l'OMC pour l'agriculture ignorent l'existence de cette
potentialité dans les distorsions du marché … Malheureusement, le débat à
l'OMC s'est démesurément focalisé sur les gouvernements, les agriculteurs et,
dans une moindre mesure, sur les consommateurs. Il n'est nulle part fait mention
des firmes."[98] "En fait, la
promotion de la libéralisation commerciale, particulièrement telle que
structurée dans le présent Accord sur l'Agriculture, ignore les éléments de
base de l'économie agricole mondiale, tout spécifiquement la concentration sur
le marché des firmes transnationales. L'Accord sur l'Agriculture ne réussira
jamais à nous mener vers les objectifs de développement sous-jacents articulés
lors de la création de l'OMC, tant qu'il ne traite pas la question des forces
du marché ainsi que celle de la puissance des monopoles et des
oligopoles."[99]
Ensuite, il est utile de
rappeler, comme le fait le dernier rapport de la Conférence des Nations unies
sur le Commerce et le Développement (CNUCED), que la théorie des avantages
comparatifs, selon laquelle les pays se spécialisent dans ce qu'ils produisent
et vendent de la manière la plus compétitive, est contre-factuelle : dans l'économie
mondiale actuelle, les avantages comparatifs sont plutôt l'exception que la règle[100].
"Même si les gouvernements louent les vertus du libre-échange, ils se
pressent bien vite d'intervenir pour protéger les bases internes qui se sentent
menacées par les vents froids de la compétition internationale", dit le
rapport de la CNUCED."[101]
C'est ainsi que "les pays industriels détiennent la plus grande part de
tous les marchés des produits agricoles malgré les avantages comparatifs des
PVD établis depuis longtemps dans l'agriculture."[102]
"Ceci est la conséquence
des subventions à la production et des barrières protectionnistes contre les
importations."[103]
Dans cette logique-ci du moins, "puisque les nations commerciales
dominantes ont utilisé de tels instruments pour ajuster leur intégration économique
à leurs besoins, celles qui émergent devraient pouvoir bénéficier de la même
opportunité", dit le rapport de la CNUCED[104].
Qu'en est-il dans le cadre du Partenariat
euro-méditerranéen ? Les études modélisées prospectives de l'impact de la
mise en œuvre de la libéralisation des échanges agricoles euro-méditerranéens
en termes d'augmentation de prospérité pour tous par l'échange et la spécialisation
affichent des résultats divergents, d'un pays à l'autre, d'un auteur à
l'autre[105],
des plus optimistes aux plus pessimistes.
Si nous prenons l'exemple d'une étude de
l'OCDE, celle-ci indique qu'"un accès accru au marché européen pour les
produits d'exportation pour lesquels la Tunisie possède un avantage comparatif
faciliterait grandement la transition et une meilleure réallocation des
ressources. Une partie du gain obtenu pourrait alors être redistribuée au
monde rural afin de compenser ses faibles pertes. En accordant les mêmes préférences
commerciales à ses autres partenaires, la Tunisie maximiserait toutefois ses
potentialités de croissance et réduirait encore les pertes pour l'agriculture.
L'Union européenne y perdrait en termes de débouchés pour ses exportations.
Elle y gagnerait en revanche en termes de développement économique de la
Tunisie." [106]
Si l'on suit un autre paradigme, celui de l'indépendance
alimentaire, définie "comme la capacité d'un pays à fournir à sa
population la plus grande partie des produits de première nécessité"[107],
la théorie libre-échangiste n'est pas pertinente. Les productions du sud de la
Méditerranée bénéficiant d'un avantage comparatif sont loin de couvrir tout
le champ des produits agricoles et agroalimentaires. De même que nous l'avons déjà
souligné pour l'Egypte, les pays du Maghreb, pour prendre un autre exemple,
demeurent dans une situation de forte dépendance alimentaire à l'égard des
produits de première nécessité[108]
(céréales, lait, sucre…) précisément produits dans le nord de l'Europe.
"Du point de vue de la production, une agriculture traditionnelle ou vivrière
tente de survivre face à une agriculture moderne ou de rente. La spécialisation
régionale s'organise selon un axe Nord-Sud, les pays les plus septentrionaux
disposant des meilleurs atouts pour les produits agricoles de base (céréales,
lait, viande, sucre …) et les pays méridionaux (de l'UE ou de la Méditerranée)
disposant a priori d'un avantage comparatif pour les productions dites
"secondaires" (huile d'olive, fruits et légumes, vin …)."[109] Là où un agriculteur
performant de la Beauce livre à lui seul 1000 tonnes de blé sur le marché, un
paysan maghrébin n'en produit que 10 ou 20 et encore, avec l'aide des membres
de sa famille : "On imagine sans peine, dans ces conditions, ce qui se
passerait si ces deux types de producteurs se retrouvaient ensemble sur un marché
unifié. A terme, la confrontation provoquerait la ruine de régions entières
du Maghreb où domine l'agriculture fournissant les biens alimentaires de première
nécessité."[110]
Dans cette perspective, le Partenariat euro-méditerranéen devrait plutôt
mettre l'accent sur la coopération au développement dans les domaines agricole
et rural : il paraît par exemple plus important pour les pays du Maghreb
"de faire porter leurs efforts sur l'amélioration de la productivité de
leurs agriculteurs que sur la conquête de quelques parts de marchés extérieurs."[111]
Dans cette ligne, "(e)n clair et en schématisant beaucoup", avance
Najib Akesbi, "disons que l'UE ne peut sous prétexte de réciprocité
conditionner la libéralisation de l'accès à ses marchés de nos exportations
de fruits et légumes à l'ouverture de nos propres marchés en faveur de ses
excédents de céréales, de viandes ou de produits laitiers. Cette réciprocité-là
serait suicidaire pour nous (…)" : "s'il est vrai que sur les deux
rives de la Méditerranée des populations seraient affectées par ces
ouvertures de marchés, il reste que les producteurs de fruits et légumes éventuellement
concernés en Europe ne représentent qu'une infime proportion de la population,
alors qu'au Maghreb, la production des denrées de base en question est encore
quasiment l'affaire de tout le monde, du moins en milieu rural qui y représente
encore près de la moitié de la population totale (…)."[112]
Mais comme le note Jacques Berthelot,
"(b)ien que l'accès unilatéral des pays du Sud aux marchés
agroalimentaires des pays du Nord soit revendiqué par leurs gouvernements ainsi
que par un grand nombre des ONG du Nord, la nécessité de maintenir une
protection suffisante à l'importation sur les produits agroalimentaires de base
s'impose aussi au Nord, y compris au nom même de la solidarité avec les
paysans du Sud."[113]
(On a vu plus haut en effet que Jacques Berthelot est d'avis qu'une telle
politique les marginaliserait.) "Le droit des peuples à se nourrir eux-mêmes,
du moins pour les produits de base, n'est pas réservé au Sud, même s'il y est
encore plus impérieux."[114]
Ainsi, si l'accès aux marchés alimentaires des
autres pays n'est pas un droit des pays les plus compétitifs, il n'est pas non
plus un droit unilatéral des pays du Sud[115].
Et l'on en revient finalement de nouveau à la question des modèles de
production agricole évoquée plus haut. Comme le suggère Sophia Murphy, nous
devons parler des modèles agricoles que l'agri-business soutient dans le monde
entier en comparaison avec des modèles soutenables qui existent, et ce,
d'ailleurs, tant au Nord et qu'au Sud[116].
Si l'espace agricole euro-méditerranéen
"est aujourd'hui ignoré, à terme il ne pourra disposer d'un régime
particulier; non seulement parce que l'Europe ne pourra pas éternellement écarter
de la discussion ce secteur essentiel pour le développement économique de ses
partenaires du Sud et de l'Est de la Méditerranée, mais aussi tout simplement
pour ne pas se mettre en infraction avec les règles de l'OMC"[117]
– notamment pour les raisons liées à l'exception agricole et au
protectionnisme en matière agricole contenus dans le Partenariat euro-méditerranéen.
La
constitution de la zone de libre-échange euro-méditarréenne prévue dans le
Partenariat euro-méditerranéen doit être progressivement mise en oeuvre pour
2010. Les évolutions dans le cadre régional du Partenariat euro-méditerranéen
et le cadre multilaréral de l'OMC devraient influer les unes sur les autres[118].
L'on
a vu que le "Plan d'Action de Valence", établi lors de la dernière
conférence euro-méditerranéenne des Ministres des Affaires étrangères,
tenue en avril 2002, est censé donner un nouveau souffle au "processus de
Barcelone", avec une réaffirmation de l'engagement à libéraliser plus
avant les échanges agricoles dans le cadre de la zone de libre-échange euro-méditerranéenne.
Qu'en est-il d'autre part du calendrier de l'OMC dans le dossier des échanges
agricoles ? A Doha, la proposition d'une "Development Box" n'a pas été
retenue et c'est donc dans le cadre des "traitements spéciaux et différenciés",
dont la légitimité a été reconnue dans la Déclaration finale, que les PVD
tenteront de défendre leur dossier agricole au vu de leurs impératifs de sécurité
alimentaire et de développement rural. C'est le 26 mars 2002 que le programme
de travail pour l'année en cours dans les négociations agricoles à l'OMC a été
arrêté à Genève : une première réunion, sur les subsides à l'exportation,
est prévue en juin, une deuxième, sur l'accès aux marchés, en septembre et
une troisième, sur le soutien interne, également en septembre. Une quatrième
réunion, de suivi, est prévue en novembre. Trois réunions sont prévues début
2003 : en janvier, en février et en mars. "Les modalités pour les
nouveaux engagements, y compris les dispositions pour le traitement spécial et
différencié, seront établies au plus tard le 31 mars 2003."[119]
Les participants présenteront alors "leurs projets de Listes globales
fondées sur ces modalités au plus tard à la date de la cinquième session de
la Conférence ministérielle"[120],
qui devrait se tenir du 10 au 14 septembre 2003 à Cancun (Mexique), la
date-buttoir pour la conclusion de la négociation agricole étant fixée au 1er
janvier 2005[121].
Dans la perspective des PVD, des trois piliers de l'Accord sur l'Agriculture, c'est l'accès aux marchés qui est considéré comme essentiel (même si nous avons noté avec Jacques Berthelot qu'il ne faut pas sous-estimer les soutiens internes, très élevés dans les pays du Nord, qui exercent des effets implicites de protection contre l'importation et de subvention des exportations).
Une
idée est que les PVD puissent protéger l'accès à leurs marchés des
productions, largement dumpées, des pays développés afin de garantir la
subsistance de leurs petits agriculteurs, qui forment une large partie de leurs
populations. Du point du développement général, l'histoire
montre par ailleurs, comme on l'a vu, que la protection de l'agriculture à
l'importation a été une condition essentielle du développement des pays
riches, au Nord comme au Sud, et que cette protection est particulièrement
cruciale dans les premières phases de développement. Jacques Berthelot note
d'autre part que c'est la forme de soutien des agricultures la plus solidaire et
la plus transparente[122].
Sous
un angle libre-échangiste en revanche, l'idée est que les PVD puissent bénéficier
d'un accès accru aux marchés des pays développés, qui demeurent très
protectionnistes contre des productions agricoles dans lesquelles ces PVD
jouissent d'importants avantages comparatifs. Mais ceci, on l'a vu, n'est pas
sans poser problème, car il pose la question des modèles de production
agricole, schématiquement entre le modèle traditionnel de subsistance,
localement orienté vers une production locale pour une consommation locale, et
le modèle industriel, orienté vers les exportations. D'aucuns notent le risque
de marginalisation que les petits producteurs – qui, encore une fois, forment
une grande partie des sociétés du Sud - encourraient, outre les questions de sécurité
alimentaire par l'indépendance alimentaire.
Ces
options peuvent parfois donner l'impression d'une vision conservatrice des
choses. Les sociétés développées sont progressivement passées d'un secteur
primaire important aux secteurs secondaire et tertiaire. L'artisanat a fait
place à l'industrialisation; les petites fermes, aux grandes exploitations.
L'on relève à cet égard l'aspect "multi-fonctionnel" de
l'agriculture pour les PVD (tout comme pour les pays développés par ailleurs),
signifiant par là que l'agriculture ne remplit pas seulement une fonction économique
de satisfaction des besoins alimentaires, mais aussi, e.a., des fonctions
sociale et culturelle dans l'équilibre des sociétés. Est-ce à dire que ces
sociétés seraient rétives au changement ? Pas plus que d'autres bien entendu,
mais la question n'est pas là : elle est de savoir si les changements en
question sont désirables ou non, s'ils répondent à des aspirations et s'ils
relèvent de libres choix ou non. Ces questions se posent également au Nord, où
l'agriculture hyper-productiviste, avec tous ses excès, est de plus en plus
remise en question, avec le développement, par exemple, de l'agriculture
biologique. En ce qui concerne les PVD et notamment les pays du sud de la Méditerranée,
qui souffrent de déficits alimentaires dans des denrées essentielles et sont dépendants
des importations du Nord à cet égard, en tout état de cause, le développement
rural est important et les hausses de production et de gains de productivité
sont les bienvenues. Mais rien n'interdit d'oeuvrer dans ce sens dans le cadre
du modèle traditionnel de subsistance, si tel est le choix de société considéré
comme souhaitable.
Nous avons exprimé nos réserves quant à une
stricte application du paradigme des avantages comparatifs, qui favoriserait le
modèle agricole productiviste orienté vers les exportations et risquerait de
marginaliser les petits producteurs, provoquer l'exode rural, le chômage, la
pauvreté et l'insécurité alimentaire (et, dans ce cas, qui implique
reconversion et transition, d'importants filets de sécurité sociale sont impératifs).
Mais si l'Union européenne veut jouer honnêtement ce registre-là et si l'étude
de l'OCDE que nous avons mentionnée à titre d'exemple concernant la Tunisie
est correcte, tout en contre-balançant les arguments des critiques de ce
paradigme, si effectivement l'UE perdait en termes de débouchés pour ses
exportations en cas d'ouverture accrue de son marché aux productions agricoles
du sud de la Méditerranée, "elle y gagnerait en revanche en termes de développement
économique de la Tunisie". N'est-ce pas là une occasion de prendre au mot
les tenants néo-libéraux de la conception du développement "trade, not
aid" ? En ce sens, la globalisation à l'OMC peut peut-être faire sauter
les verrous du protectionnisme régional euro-méditerranéen : illusion (car la
déprotection par l'abolition des subventions à l'exportation et des tarifs à
l'importation peut être contournée de manière camouflée par des mesures de
soutien interne) ou réalité ? Et quand bien même il s'agirait d'une réalité,
celle-ci est-elle désirable ?
Serait-on un tenant du paradigme néo-libéral
de la libre concurrence dans une vision idéaliste d'un système économique qui
permettrait au mieux de produire des richesses au profit du plus grand nombre,
encore devrait-on alors au moins reconnaître la nature non parfaitement libérale
du système économique actuel. Mettant le doigt sur les oligopoles formés par
les firmes multinationales de l'agroalimentaire, Sophia Murphy d'avancer que
"(t)ant que les règles commerciales multilatérales ne prendront pas en
compte la concentration des forces du marché dans le commerce transnational
agricole, elles ne pourront contribuer à produire un système commercial ouvert
et équitable."[123]
Les années qui viennent seront décisives en
matière agricole et alimentaire pour les populations du nord et du sud de la Méditerranée
dans les orientations que prendront les différentes parties dans le cadre
multilatéral de l'OMC et dans le cadre régional du Partenariat euro-méditerranéen.
Outre les choix de société en jeu, il y a tout simplement des impératifs de
survie : quel modèle garantit le mieux les besoins de base, notamment l'accès
à la nourriture, combat la faim et la pauvreté et garantit la dignité de
l'homme ?
Si la mondialisation pose un certain nombre de
contraintes "objectives", des choix politiques sont néanmoins
toujours possibles et il est fallacieux de s'en remettre à des lois du marché
qui, "inéluctablement", dicteraient tout. Les choix économiques
doivent être politiquement et socialement orientés de manière équitable au
profit de tous et, dans le cas qui nous occupe, entre les populations du nord et
du sud de la Méditerranée ainsi qu'en leur sein.
[1]
Laure de CENIVAL, "Vers un espace agricole euro-méditerranéen
?", in L'Annuaire de la Méditerranée
1997, GERM/Publisud, 1997, p.263
[2]
Nous nous basons sur l'analyse réalisée par Erwan LANNON, "The
Compatibility of the Euro-Mediterranean Regional Integration with the
Multilateral Rules", in Paul DEMARET, Jean-François BELLIS &
Gonzalo GARCIA JIMENEZ (eds.), Regionalism
and Multilateralism after the Uruguay Round – Convergence, Divergence and
Interaction, Brussels, European Interuniversity Press (EIP), 1997,
pp.771-802. Nous nous limitons ici en termes de compatibilité à la
question des accords régionaux et à l'exception agricole : pour le
traitement d'autres points sur cette question, voir Lannon, concernant la
question du délai raisonnable de constitution de la zone de libre-échange
eu égard aux 12 années prévues, ainsi que concernant le commerce des
services eu égard à l'AGCS.
[3]
C'est nous qui soulignons – http://europa.eu.int/comm/external_relations/euromed/conf/malta/conc_fr
[4]
" the development of clearer rules
within the World Trade Organization, particularly where free trade areas are
concerned" - "Europe
Presses for Clearer World Rules on Regional Blocks", PI/97/15,
Brussels, January 16, 1997 – cité par Erwan LANNON, op.cit.,
p.774
[5] Traduction : "Aspects OMC des Accords commerciaux préférentiels de l'UE avec les pays tiers"
[6]
"do serve to open the market by pushing forward a pattern of tariff
disarmament in partner countries, helping them to prepare for further
multilateral liberalization. This feature of EU's agreements has become more
significant in recent years, as the EU has concluded or is negotiating in
the context of its new Mediterranean policy new Association Agreements with
Mediterranean partners, which include the establishment of free trade areas
on a reciprocal basis. The EU has also been encouraging partners to join the
WTO if they have not done so." - SEC(96)2168, January 16, 1997
[7]
Erwan LANNON, op.cit., p.781
[8]
"the primacy of the multilateral trading system, which includes a
framework for the development of regional trade agreements" -
"commitment to ensure that regional trade agreements are complementary
to it and consistent with its rules" - Point 7 de la Déclaration de la
Conférence ministérielle de l'OMC tenue à Singapour, 13 décembre 1996,
WT/MIN(96)/DEC
[9]
SASSON Albert, "L'état des relations Maroc-CEE & l'exception
agricole", in L'Annuaire de la Méditerranée 1999, GERM/Publisud/Le Fennec, 1999,
p.75
[10]
Erwan LANNON, op.cit., pp.793
& 796
[11]
SASSON Albert, op.cit.,
pp.68-69. Ils sont identiques à ceux relatifs à la Tunisie.
[12]
Erwan LANNON, op.cit., p.799
[13]
SASSON Albert, op.cit.,
p.75
[14] Traduction : "Les accords commerciaux préférentiels de l'Union européenne avec les pays tiers et l'OMC"
[15]
"has an interest in further reinforcing the position of its own
agreements in the WTO. There is an unwelcome level of uncertainty in GATT
rules which do not mesh with the binding nature of the Dispute Settlement
System"
[16]
Fouad ZAIM, "The Third Generation of Euro-Mediterranean Association
Agreements: A View from the South", Mediterranean
Politics, 4 (Summer 1999) 2, pp.45-46
[17]
Heba HANDOUSSA & Jean-Louis REIFFERS (coord.), The
Euro-Mediterranean Partnership in the Year 2000 – Second FEMISE Report on
the Euro-Mediterranean Partnership, Forum Euro-Méditerranéen des
Instituts économiques (FEMISE), July 2000, p.44
[18]
Alfred TOVIAS & Jordi BACARIA, "Free Trade and the
Mediterranean", Mediterranean
Politics, 4 (Summer 1999) 2, p.4
[19]
COM(00) 497 fina, 6 septembre 2000
[22]
RAGHAVAN Chakravarthi, "Trade: Agriculture talks focus on developing
country issues", SUNS, Third
World Network, n°5058, 12 February 2002 - http://www.sunsonline.org
[23]
§13 de la Déclaration de la Conférence ministérielle de l'OMC, Doha, 14
novembre 2001 - WT/MIN(01)/DEC/1, 20 novembre 2001 – http://www.wto.org
[24]
Nous suivons dans ce paragraphe l'argumentation de DAS Bhagirath
Lal, "The New Work Programme of WTO",
8 April 2002 – http://www.twnside.org.sg/title/das.doc.
[25]
SASSON Albert, op.cit.,
pp.75-76
[26]
Correspondance personnelle avec Duncan GREEN
(Catholic Agency for Overseas Development, CAFOD) – http://www.cafod.org.uk/policy
[27]
JENNAR Raoul Marc, "OMC : La Déclaration de Doha – Malgré des
freins, l'organisation commerciale du monde se poursuit", Unité de
Recherche, de Formation et d'Information sur la Globalisation (URFIG), 21
novembre 2001 - JENNAR Raoul Marc, "Nouvelles de Doha (2) – Le Sud en
retrait", Unité de Recherche, de Formation et d'Information sur la
Globalisation (URFIG), 10 novembre 2001 – http://www.urfig.org
[28]
Idem
[29]
Les pays du Sud ne forment pas un bloc monolithique : il y a des divergences
entre les PVD qui sont membres du Groupe de Cairns et ceux qui n'en sont pas
membres et des divergences même entre les PVD membres du Groupe de Cairns -
RAGHAVAN Chakravarthi, op.cit.
("Trade: Agriculture talks …")
[30]
Cuba, République dominicaine, El Salvador, Haïti, Honduras, Kenya,
Nicaragua, Pakistan, Pérou, Sénégal, Sri Lanka, Ouganda, Zimbabwe – Cf.
KWA Aileen, Annexe 2 à son papier "Can the Development Box Adequately
Address the Agricultural Crisis in Developing Countries? The Case for a
Positive List Approach", Focus on the Global South, April 2002 -
L'Inde, l'Indonésie et le Nigéria, sans en être membres, en sont des
sympathisants. Le papier d'Aileen KWA est accessible à l'adresse :
http://www.focusweb.org/publications/2002/Development%20Box-ag%20crisis.
[31]
JENNAR Raoul Marc, op.cit. ("OMC
: La Déclaration de Doha – Malgré des freins …") - Pour une
analyse approfondie de la DB, voir RUFFER Tim, Stephen JONES & Stephen
AKROYD, Development Box Proposals and
their Potential Effect on Developing Countries (Vol.1: Main Report &
Vol.2: Country Case Studies), Oxford Policy Management, April 2002 – http://www.opml.co.uk
- http://www.dfid.gov.uk.
[32]
JENNAR Raoul Marc, "Nouvelles de Doha (3) – Avec le soutien de
l'Europe : une OMC plus oligarchique que jamais", Unité de Recherche,
de Formation et d'Information sur la Globalisation (URFIG), 12 novembre 2001
– http://www.urfig.org
[33]
La "Development Box" concerne surtout l'accès aux marchés et
dans une moindre mesure, le soutien interne et les subventions à
l'exportation. (Correspondance personnelle avec Duncan GREEN
(Catholic Agency for Overseas Development, CAFOD) – http://www.cafod.org.uk/policy)
En effet, par exemple, pour le soutien interne, les PVD pourraient être
exemptés de leurs obligations OMC visant à les réduire, mais leurs taux
de soutien interne sont déjà très faibles, vu leurs manques de ressources
à investir à cet effet. Ceci est confirmé pour l'Egypte : voir EL-GAMASY
Emam, "Egypte", in Organisation des Nations unies pour
l'Agriculture et l'Alimentation (FAO), L'agriculture,
le commerce et la sécurité alimentaire – Questions et alternatives
concernant les négociations de l'OMC dans la perspective des pays en développement
(Vol.II : Etudes de cas par pays), Rome, 2001, p.128.
[34]
BERTHELOT Jacques, L'agriculture –
Talon d'Achille de la mondialisation – Clefs pour un accord agricole
solidaire à l'OMC, Paris, L'Harmattan, 2001, p.486
[35]
Press Statement by the "Friends Of The Development Box" (Doha, 10
November 2001), in Focus on Trade,
n°70, November 2001, Doha Special #2 - Focus on the Global South - http://www.focusweb.org
(notre traduction)
[36]
Correspondance personnelle avec Sophia MURPHY (Institute for Agriculture and
Trade Policy, IATP) – http://www.iatp.org
[37]
Sur le dumping, voir notamment BERTHELOT Jacques, op.cit.,
pp.73-75.
[38]
Action Aid, CAFOD and Oxfam International, "An Introduction to the
Development Box" (January 2002) – http://www.cafod.org.uk/policy
[39]
KWA Aileen, "Setting the Modalities for Negotiations on Agriculture:
Reviewing Agriculture Production Systems", Annexe 1 à op.cit.
("Can the Development Box …"), p.10 – qui se réfère à :
UNCTAD, "Examining Trade in the Agricultural Sector, with A View to
Expanding the Agricultural Exports of the Developing Countries, and to
Assisting them in Better Understanding the Issues at Stake in the Upcoming
Agricultural Negotiations", TD/B/COM.1/EM.8/2, 23 February 1999.
[40]
GRAY Quintin, "L'agriculture dans le contexte de l'accord de libre-échange
Maroc-UE", in L'Annuaire de la Méditerranée 1999, GERM/Publisud/Le Fennec, 1999,
p.201
[41]
MURPHY Sophia, "Managing the Invisible Hand: Markets, Farmers and
International Trade", Institute for Agriculture and Trade Policy
(IATP), April 2002 - http://www.tradeobservatory.org - qui se réfère à MELLOR
John W., Background Paper: "Reducing Poverty, Buffering Economic Shocks
– Agriculture and the Non-tradable Economy", prepared for Experts'
Meeting, 19-21 March, 2001, Roles of Agriculture Project, Food and
Agriculture Organization of the United Nations (FAO), Rome – http://www.fao.org/es/esa/roa/roa-e/emp.
[42]
EL-GAMASY Emam, op.cit., p.108
[43]
Ibidem, p.108
[44]
Ibidem, p.133
[45]
BERTHELOT Jacques, op.cit.,
pp.332-352
[46]
Ibidem, p.295
[47]
Ibidem, p.296
[48]
Ibidem, p.297
[49]
Erwan LANNON, op.cit., p.792
[50]
Fouad ZAIM, op.cit., p.46. Voir
aussi DAMIS John, "Morocco's 1995 Association Agreement With The
European Union", The Journal of
North African Studies, 3 (Winter 1998) 4, pp.91-112.
[51]
Fouad ZAIM, op.cit., p.46
[52]
Refik ERZAN, "Regionalism and Globalization in the Context of
Euro-Mediterranean Agreements", Mediterranean
Politics, 4 (Summer 1999) 2, p.29 (notre
traduction)
[53]
Mohammad EL-SAYED SELIM, "Egypt and the Euro-Mediterranean Partnership:
Strategic Choice or Adaptive Mechanism?", Mediterranean
Politics, 2 (Summer 1997) 1, pp.80-81
[54]
Alfred TOVIAS & Jordi BACARIA, op.cit.,
pp.4-5
[56]
Voir par exemple la critique de BELLO Walden, "The Oxfam Debate: From
Controversy to Common Strategy", Focus on Trade, Focus on the Global South,
n°78, May 2002 :
http://www.focusweb.org/publications/2002/oxfam-debate-controversy-to-common-strategy
-, et la réponse faite par Oxfam, par Angus CLEARY, "Oxfam's Response
to Walden Bello", Focus on Trade,
Focus on the Global South, n°78, May 2002
: http://www.focusweb.org/publications/2002/Oxfam-response-to-walden.
[57]
KWA Aileen, "Setting the Modalities for Negotiations on Agriculture:
Reviewing Agriculture Production Systems", Annexe 1 à op.cit.
("Can the Development Box …"), p.10
[58]
Idem
[59]
KWA Aileen, op.cit. ("Can the
Development Box …"), p.3
[60]
KWA Aileen, "Setting the Modalities for Negotiations on Agriculture:
Reviewing Agriculture Production Systems", Annexe 1 à op.cit.
("Can the Development Box …"), pp.11-12 – qui se réfère
notamment à : CONROY, MURRAY & ROSSET, A
Cautionary Tale: Failed US Development Policy in Central America,
London, Rienner, 1996.
[61]
SERGHINI Hassan, "Impact de l'exception agricole sur le développement
rural au Maroc", in L'Annuaire de
la Méditerranée 1999, GERM/Publisud/Le Fennec, 1999, p.112
[62]
Ibidem, p.113
[63]
KWA Aileen, "Setting the Modalities for Negotiations on Agriculture:
Reviewing Agriculture Production Systems", Annexe 1 à op.cit.
("Can the Development Box …"), p.14
[64]
Organisation des Nations unies pour l'Agriculture et l'Alimentation (FAO), L'agriculture,
le commerce et la sécurité alimentaire – Questions et alternatives
concernant les négociations de l'OMC dans la perspective des pays en développement
(Vol.II : Etudes de cas par pays), Rome, 2001, p.27
[65]
BERTHELOT Jacques, op.cit., p.389
– voir également pp.396-398.
[66]
Action Aid, CAFOD and Oxfam International, "An Introduction to the
Development Box" (January 2002) - http://www.cafod.org.uk/policy
[67]
KWA Aileen, "Setting the Modalities for Negotiations on Agriculture:
Reviewing Agriculture Production Systems", Annexe 1 à op.cit.
("Can the Development Box …"), pp.11 & 14
[68]
§13 de la Déclaration de la Conférence ministérielle de l'OMC, Doha, 14
novembre 2001 – WT/MIN(01)/DEC/1, 20 novembre 2001 – http://www.wto.org
[69]
DAS Bhagirath
Lal, op.cit.
[70]
Concernant les soutiens internes et leurs mises en "boîtes", voir
aussi BERTHELOT Jacques, op.cit., pp.90-107, 111-174, 215-291.
[71]
DAS Bhagirath
Lal, op.cit. (notre
traduction)
[72]
Idem
[73]
Cf. le poids des subventions à l'exportation pour l'UE vs., pour les
Etats-Unis, le poids des subventions à la production (soutien interne) ou
les formes moins explicites de subventions à l'exportation (aide
alimentaire extérieure et garanties sur les crédits à l'exportation au bénéfice
des importateurs du Sud) – voir notamment BERTHELOT Jacques, op.cit.,
pp.158-172.
[74]
JENNAR Raoul
Marc, op.cit. ("OMC : la Déclaration de Doha – Malgré des freins
…")
[75]
Idem
[76]
GREEN Duncan, Catholic Agency for Overseas Development (CAFOD) Analysis of
WTO Doha Declarations, 19 November 2001 – http://www.cafod.org.uk/livefromdoha/doha_analysis.shtml
[77]
Idem
[78]
RAGHAVAN Chakravarthi, "Trade: US farm bill gives one more blow to new
round", SUNS, n°5117, 14
May 2002 - http://www.sunsonline.org
- donne le
chiffre de 170 milliards $.
[79]
CEVALLOS Diego (IPS), " Mexico: Increased farm subsidies in US, another
harsh blow", SUNS, n°5123,
23 May 2002 - http://www.sunsonline.org
- qui donne le
chiffre de 190 milliards $.
[80]
TIEPOH Geepu Nah, "The Free Trade Hypocrisy", The Perspective, 14 May 2002 –
http://www.theperspective.org/freetradehypocrisy
(notre traduction)
[81]
MURPHY Sophia
(Institute
of Agriculture and Trade Policy - IATP),
citée par MILLER
Dionne Jackson (IPS), "Caribbean: US farm bill prompts regional
re-think", SUNS, n°5120, 17 May 2002
–
http://www.sunsonline.org
(notre traduction)
[82]
MURPHY Sophia, "Farm Bill Outrage Goes Global", Foreign Policy in Focus, 22 May 2002 –
http://www.fpif.org/commentary/2002/0205farmbill
(notre traduction)
[83]
MURPHY Sophia,
citée par MILLER Dionne Jackson (IPS), op.cit.
(notre traduction)
[84]
Pour plus de détails,
voir : RAGHAVAN Chakravarthi, op.cit.
("Trade: US farm bill …").
[85]
Idem
[86]
Idem (notre traduction)
[87]
"European Commission Planning WTO Challenge to U.S. Farm Bill", European
Voice – Roll Call, 3 May 2002 - http://www.tradeobservatory.org/News/index.cfm?ID=3480
(notre traduction)
[88] SEC (2002) 159 final, 13 février 2002
[89]
KHADER Bichara, Le partenariat euro-méditerranéen
après la conférence de Barcelone, Paris/Montréal, L'Harmattan, 1997,
p.89
[90]
"Manifeste final de "L'Autre Sommet" méditerranéen"
(Marseille, 9 novembre 2000), in KHADER Bichara (dir.), Le
partenariat euro-méditerranéen vu du Sud, Paris / Louvain-la-Neuve,
L'Harmattan / Centre Tricontinental, 2001, p.232
[91]
Fouad ZAIM, op.cit., p.47
[92]
BELLO Walden, op.cit. (notre
traduction)
[93]
KWA Aileen, op.cit. ("Can the
Development Box …"), p.2
[94]
""Bring It On!", Trade Network Tells EU", Scoop,
22 April 2002 –
[95]
BELLO Walden, op.cit.
[96]
Voir notamment la critique qu'en fait BERTHELOT Jacques, op.cit.,
pp.57-67
[97] Traduction : "Gérer la Main invisible : les Marchés, les Agriculteurs et le Commerce international"
[98]
MURPHY Sophia, "Managing the Invisible Hand: Markets, Farmers and
International Trade", Institute for Agriculture and Trade Policy
(IATP), April 2002 – citée par RAGHAVAN Chakravarthi, "Trade: AoA
talks won't help farmers, economic development, says study", SUNS,
n°5108, 26 April 2002 - http://www.sunsonline.org (notre traduction).
Le rapport de Sophia MURPHY (IATP) est accessible via l'adresse: http://www.tradeobservatory.org.
[99]
Idem. Sur les oligopoles
agroalimentaires, voir aussi BERTHELOT Jacques, op.cit.
[100]
UNCTAD Trade and Development Report 2002 -
cité par ASLAM Abid, "Trade: U.N. Urges Greater Say for South's
Exporters, Consumers", [StopWTORound –
mailing list], 30 April 2002 – Le rapport de la CNUCED est accessible à
l'adresse : http://www.unctad.org.
[101]
Idem (notre traduction)
[102]
Idem
[103]
Idem
[104]
Idem
[105]
Bernard ROUX, "Les agricultures du Maghreb et la construction d'un
espace euro-méditerranéen", in L'Annuaire de la Méditerranée 1998, GERM/Publisud, 1998, p.253
[106]
OCDE, La libéralisation de
l'agriculture tunisienne et l'Union européenne : une vue prospective,
Centre de Développement, Documents techniques, n°144, CD/DOC(99)1, 15 février
1999, "Résumé"
[107]
Bernard ROUX, op.cit., p.244
[108]
Ibidem, p.248
[109]
Laure de CENIVAL, op.cit., p.265
[110]
Bernard ROUX, , op.cit.,
pp.255-256 – qui se réfère à B. ROUX & D. GUERRAOUI (dir.), Les
zones défavorisées méditerranéennes, Paris, L'Harmattan, 1997
[111]
Bernard ROUX, op.cit., p.257
[112]
AKESBI Najib, "Echanges agricoles euro-maghrébins – Entre l'asymétrie
et la réciprocité, quel avenir ?", in L'Annuaire
de la Méditerranée 1999, GERM/Publisud/Le Fennec, 1999, pp.93-94
[113]
BERTHELOT Jacques, op.cit., p.389
– voir également pp.396-398
[114]
Ibidem, p.389
[115]
Ibidem, pp.385-398
[116]
MURPHY Sophia, op.cit. ("Managing
the Invisible Hand …)
[117]
Laure de CENIVAL, op.cit., p.276
[118] Pour un débat théorique, voir DEMARET Paul, "The Reciprocal Influence of Multilateral and Regional Trade Rules: A Framework of Analysis", in Paul DEMARET, Jean-François BELLIS & Gonzalo GARCIA JIMENEZ (eds.), Regionalism and Multilateralism after the Uruguay Round – Convergence, Divergence and Interaction, Brussels, European Interuniversity Press (EIP), 1997, pp.805-838.
[119]
§14 (volet "Agriculture") de la Déclaration de la Conférence
ministérielle de l'OMC, Doha, 14 novembre 2001 – WT/MIN(01)/DEC/1, 20
novembre 2001 – http://www.wto.org
[120]
Idem
[121]
RAGHAVAN Chakravarthi, op.cit.
("Trade: Agriculture talks …")
[122]
BERTHELOT Jacques, op.cit., p.296
[123]
Institute for
Agriculture and Trade Policy (IATP) Press Release, 23 April 2002 –
concernant MURPHY Sophia, op.cit.
("Managing the Invisible Hand …) – http://www.tradeobservatory.org
(notre traduction)